Obwald invente le vrai havre fiscal

Une magistrale leçon aux autres cantons. 04.07.2007, Bilan

Le canton d’’Obwald, vallée au bout du tunnel du Lopper, s’étend du lac des Quatre-Cantons au col du Brünig. Depuis peu, il n’est pas seulement le milieu géographique de la Suisse, mais aussi le centre de l’attention. Avec sa politique fiscale, le demi-canton de 33 000 habitants montre comment un petit Etat indépendant peut s’illustrer dans la compétition nationale, si ce n’est internationale. Sa première leçon: l’impôt de l’avenir, une flat tax, où chacun paie une part relative égale.Obwald n’a certes pas inventé le principe. D’autres l’ont précédé: d’abord Hongkong, puis la Lituanie en 1995, ensuite les pays baltes et plus récemment la Russie. Mais l’avènement du système remonte à 2004 seulement, avec l’introduction généralisée d’une taxe constante en Slovaquie: une TVA à 19%, un impôt sur le revenu à 19% et un impôt sur les bénéfices à 19%. Depuis, de plus en plus de pays d’Europe de l’Est emboîtent le pas.

LEÇON N° 1: un pourcentage d’impôt égal pour tous

Aujourd’hui suit le premier petit Etat souverain de l’Ouest: Obwald. A partir de 2008, les impôts proportionnels y seront à l’honneur. La taxe sur le revenu est fixée à 12%, avec une franchise élevée pour les bas salaires. Les entreprises doivent restituer 6,6% de leurs bénéfices, quelle que soit leur importance. Avec ce taux minime, même rehaussé de l’impôt fédéral direct, le canton d’Obwald est l’Etat le plus attractif du monde, devant l’Irlande et la Slovaquie, comme devant ses voisins Zoug et Nidwald. L’impôt sur la fortune est ramené, lui, à 1,38‰. Même règle pour toutes les autres taxes, que ce soit celle sur les donations ou celle sur les gains immobiliers: Obwald a balayé la totalité des tarifs fiscaux progressifs.

Comment les dirigeants ob-waldiens ont-ils eu ces idées de réformes radicales? Sans doute parce qu’ils ont compris que l’Etat doit composer avec des gens qui savent compter. Des gens qui déménagent lorsque chaque franc supplémentaire entraîne un impôt relativement plus élevé. Ou qui se démènent pour contrecarrer la progression par tous les moyens légaux, dans le cas occasionnel où ils s’obstinent à rester. «Nous voulions quelque chose de moderne pour Obwald», résumeBranko Balaban, le jeune directeur de l’administration fiscale cantonale.

LEÇON N° 2: une fiscalité simple, transparente et surtout comparable

Si Obwald est encore le seul canton suisse à avoir supprimé la progression de l’impôt sur le revenu, d’autres ont aussi aplani celui sur la fortune. Nidwald, Schwytz, Glaris, Appenzell Rhodes-Intérieures et Saint-Gall connaissent depuis longtemps la flat tax dans ce domaine. Lucerne suit la tendan-ce depuis peu. Les impôts sur les sociétés vivent la même évolution. Le ministre des Finances d’Appenzell Rhodes-Exté-rieures, Köbi Frei, a récemment annoncé un tarif unique de 6 spectaculaires pour-cent.

Et c’est déjà la deuxième leçon à tirer de ce phénomène: les taux constants sont simples, transparents et surtout directement comparables. A partir d’Obwald, la fièvre de la flat tax s’apprête à gagner toute la Suisse et à stimuler la concurrence entre tous les cantons et toutes les communes.

Une perspective réjouissante que l’on doit à Mon-Repos. Le Tribunal fédéral de Lausanne a presque forcé Obwald à accélérer ses réformes. Le 1er juin dernier, il a pris une décision que les politiques ont critiquée trop vite. En réalité, il n’a fait que définir les règles du jeu, ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. La partie peut commencer.

Obwald voulait introduire un tarif dégressif, d’ailleurs en le considérant comme une «solution d’urgence transitoire». Le but étant, dès le début, d’atteindre des taux constants. Maintenant, Obwald peut les introduire dès 2008 déjà. Et pas seulement grâce à l’aide juridique de Lausanne.

Le canton, jusqu’ici considéré comme le dernier de la classe financière helvétique, a entre-temps acquis les moyens d’offrir une flat tax minime à tous ses citoyens. Simplement parce que les précédentes baisses d’impôts ont déjà eu des conséquences positives, «attirant plus d’entreprises et de personnes privées qu’espéré», révèle Branko Balaban.

LEÇON N° 3: rabais, privilèges et exceptions balayés

Le nouveau régime fiscal convient parfaitement à la Suisse, comme il convient parfaitement à l’environnement européen. C’est ainsi que fonctionne la concurrence fiscale moderne de l’Irlande à l’Ukraine. D’après le principe que tous les citoyens sont à traiter de manière égale. Les «rabais pour les riches», les «exceptions pour les élites» sont de l’histoire ancienne. Ils ont tant compliqué les systèmes actuels qu’aucun citoyen lamda ne parvient encore à remplir sa déclaration d’impôt sans l’aide d’un conseiller fiscal professionnel.

Et c’est déjà la troisième leçon: plus de «rabais fiscaux», plus de «privilèges», plus d’«exceptions». Seulement le tarif le plus bas possible pour tous.

De cette manière, la Suisse pourrait même se tirer élégamment de sa dispute fiscale avec l’Union européenne. Les cantons n’auraient qu’à étendre leurs «privilèges pour les holdings», qui favorisent les bé- néfices générés à l’étranger, à l’ensemble des gains réalisés en Suisse.

Une solution évoquée par le ministre des Finances en personne,Hans-Rudolf Merz, dans une interview accordée à la Neue Zürcher Zeitung.

La tendance est amorcée dans tout le pays. Bientôt, la voie sera libre pour une véritable taxe à la slovaque. Cette dernière repose sur deux principes: d’abord des tarifs proportionnels, ensuite appliqués uniformément, sans la moindre exception. Une seconde caractéristique qui n’est pour l’instant réalisée nulle part en Suisse. Il existe toujours une multitude déconcertante de possibilité de déductions particulières: pour le trajet professionnel, pour la formation continue, pour le troisième pilier ou pour une caisse de pension de luxe pour les revenus allant jusqu’à 780 000 francs. Ces réglementations spéciales, dont profitent surtout les mieux lotis, doivent être supprimées par la bonne flat tax. De cette manière seulement, le système fiscal se simplifiera et deviendra plus acceptable pour la gauche.

L’utopie n’en est plus une. Les radicaux zurichois ont déjà rassemblé assez de signatures pour l’«initiative d’un canton» (à distinguer de l’initiative cantonale) baptisée «Easy Swiss Tax», qui permettra de soumettre à l’Assemblée fédérale le projet qui vise d’une part à introduire au niveau national un tarif constant et d’autre part à remplacer toutes les déductions par une franchise unique permettant même aux plus bas salaires de ne plus payer d’impôts du tout.

Les choses s’accélèrent parfois. Qui se risquait, il y a trois ans, à prophétiser la fin de la progression fiscale était déclaré prêt à l’internement. Aujour-d’hui, c’est déjà une réalité dans le canton d’Obwald. B

Übersicht