L’Agefi, 22.12.2003, von Pierre BessardLe diagnostic est sans appel: en Suisse, la performance nest plus valorisée et les bénéficiaires de laide sociale y perdent lorsquils acceptent un emploi. Les classes moyennes sont dépossédées dun franc sur deux par les impôts, prélèvements et autres charges obligatoires, tandis que les riches gaspillent leur énergie et leur intelligence à tenter déchapper au fisc.Un certain mythe sest pourtant établi en Suisse: celui dun pays devenu «néolibéral» et épris de «démantèlement social», bref une nation ayant succombé à l«économisation» de la pensée. Markus Schneider corrige cette perception.
Dabord, lEtat néconomise pas: ses dépenses ont passé de 27,3 à 31,4% du PIB en une décennie.LEtat nest pas non plus affamé: la quote-part fiscale a augmenté de 30,6 à 35,6%. Enfin, lEtat nest pas démantelé: les effectifs croissent de 4% par an en moyenne, tandis que le nombre de pages de lois et de réglementations fédérales a passé de 2062 pages en 1990 à 3595 aujourdhui (de 1980 à 1990, en revanche, ce nombre avait diminué). Dans tous les domaines, la tendance va vers davantage de réglementations, et non linverse. Face à cette évolution, cesser dencenser lEtat ne relève pas de la «propagande antiétatique», estime lauteur, mais dune prise de conscience: la croissance économique ne se commande pas comme au restaurant. En 2004, admettre que lEtat touche à ses limites, ce nest pas formuler un slogan «néolibéral», mais faire preuve de bon sens.
Pour Markus Schneider, lantidote passe par un Etat plus efficient. Jusquici, cependant, la réponse de la politique aux défis na été que davantage dimpôts, de taxes et de prélèvements. (Que lon songe à cet égard à la hausse prévue de 1,8 point de TVA, soit 4,5 milliards de francs, sans compensation, pour financer des rentes.)
Même les Russes lont adoptée
Parmi les solutions retenues par le «livre blanc», la plus originale se trouve par conséquent dans le chapitre fiscal. Le système dimposition progressive, estime lauteur, doit être remplacé par un impôt proportionnel, aussi bas que possible: la «flat tax».
La Russie pourtant loin dêtre un modèle déconomie libérale la par exemple introduite il y a deux ans: les employés sont imposés à hauteur de 13% du revenu, les entreprises à hauteur de 15% du bénéfice, avec la possibilité, pour les PME, dopter à la place pour un impôt de 8% sur le chiffre daffaires. La première année de la «flat tax», les recettes fiscales de lEtat russe ont crû de 28% et lan passé de 21%.
Pour la Suisse, Markus Schneider propose un taux de 18% comme «limite absolue»: cela correspond au taux maximal de la commune de Wollerau (Schwytz) et comprend les 11,5% dus à la Confédération.Selon une étude expérimentale du Fonds national, la population considère précisément quune fiscalité «juste» correspond en gros à ce qui prévaut aujourdhui dans les cantons de Schwytz et de Zoug, et non davantage. Cela contraste avec la charge fiscale dun canton comme le Jura, par exemple, où le taux maximal atteint 25%.
Un vrai «big bang» pour la petite Suisse
Quelles chances existe-t-il de voir cette idée concrétisée dans un pays immobilisé par maintes subventions croisées? Markus Schneider croit fermement que la «flat tax» a des chances: son prélèvement serait aussi simple que celui de limpôt anticipé et les recettes fiscales ne diminueraient pas. A la place de 26 systèmes cantonaux et dun système fédéral, une telle mesure serait un vrai «big bang» pour la petite Suisse.
Outre la «flat tax», le «livre blanc» propose de diminuer les rentes de laide sociale et de lAI, afin que le travail redevienne plus attractif. Il sagirait également daugmenter lâge de la retraite dun mois par an. Enfin, lEtat devrait fixer des priorités, notamment dans la formation, tout en élaguant la jungle des subventions, y compris la péréquation financière intercantonale. Difficile de contredire l
Markus Schneider, journaliste et économiste
Markus Schneider, 43 ans, deviendra journaliste libre le 1er janvier, mais continuera à collaborer pour lhebdomadaire Die Weltwoche, où il a passé environ dix ans de sa carrière.
Economiste de formation, Markus Schneider a étudié à lUniversité de Bâle avec les professeurs Peter Bernholz, René Frey et Silvio Borner. Se réclamant du libéralisme (comme tout économiste compétent), le publiciste fonde son argumentation sur des études empiriques: son «livre blanc» se veut un concept pratique et praticable. A peine publié, plus de 3000 exemplaires de louvrage ont déjà été vendus. Peut-être est-ce parce que lauteur met le doigt sur les vrais causes du déficit de croissance de la Suisse: les subventions, les incitations contre-productives de lEtat social et lexplosion de la charge fiscale.
Markus Schneider est marié, père de deux enfants et vit à Zurich.